La Syrie ferme sa frontière irakienne
UNE NOUVELLE catastrophe humanitaire pourrait ajouter à la déstabilisation du Proche-Orient. La Syrie a décidé d'instaurer des visas pour les réfugiés irakiens, présents au nombre d'un million environ sur son sol. Quant à ceux qui sont déjà installés en Syrie, leur sort est incertain. Des représentants du Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) tentaient hier d'éclaircir la question avec le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem.
La nouvelle attitude de Damas, si elle se confirme, serait d'autant plus inquiétante que la Syrie est pratiquement le seul pays à accueillir les Irakiens fuyant la guerre civile. « Au début, expliquait en décembre Laurens Jolles, le représentant local du HCR, c'étaient les ex-dignitaires baasistes du régime de Saddam Hussein qui débarquaient. Maintenant, avec l'aggravation de la violence, toutes les confessions et tous les secteurs de la société se présentent à la frontière. »
Jusqu'ici, la Syrie leur ouvrait les bras sans compter, comme elle continue à le faire pour les ressortissants des autres pays arabes, autorisés à entrer sans visa. En ce qui concerne les Irakiens, la fidélité à l'idéologie panarabe du parti Baas s'accompagnait d'un calcul politique, le régime pouvant opposer sa générosité à l'égoïsme des autres « frères arabes ».
Damas aurait décidé de mettre fin à cette exception. Les Irakiens se verraient désormais délivrer un visa de quinze jours seulement, au terme duquel ils devraient se présenter aux services d'immigration pour obtenir une prolongation de séjour, « en donnant des raisons précises », selon Ibrahim Darraji, universitaire proche du régime. « Les autorités se sont mises également à vérifier les permis de séjour des Irakiens qui vivent en Syrie et à expulser ceux qui commettaient des infractions ou des crimes », ajoute Darraji dans une tribune donnée au nouveau quotidien privé Al-Watan.
Des réfugiés irakiens ont manifesté devant les bureaux du HCR à Damas aux cris de « non à la déportation », ou encore « le retour signifie la mort ». La présence d'un million d'Irakiens au milieu de 18 millions de Syriens ne peut passer inaperçue. Certains faubourgs comme celui de Jarramana sont devenus de petits Bagdad. Des comédiens exilés jouent à guichets fermés des pièces satiriques sur la situation irakienne dans deux théâtres de la capitale. Mais le gouvernement estime que l'hospitalité syrienne a atteint ses limites. « La colère monte, dit Ayman Abd el-Nour, membre réformateur du parti Baas. Les Irakiens ne respectent pas nos traditions de politesse, ils sont durs et brutaux. Les Syriens n'osent plus sortir dans les parcs publics. Les jeunes Irakiens importunent les femmes. Moi-même je n'y vais plus depuis que ma femme a été blessée par un pétard. » Les réfugiés n'ayant pas de papiers, « on ne peut en général pas les poursuivre ».
Les réfugiés sont également accusés de favoriser la montée des prix des denrées alimentaires et de l'immobilier. Le prix des appartements à vendre a doublé en peu de temps. Les Irakiens, sans papiers, travaillent au noir, autre facteur de déstabilisation dans un pays qui connaît un chômage élevé. Les réfugiés sont également accusés de se livrer à la mendicité et à la prostitution. La proximité des élections parlementaires, même si elles restent symboliques, pourrait avoir joué, estime Ayman Abd el-Nour. Le régime ne souhaiterait pas voir le ressentiment contre les réfugiés devenir un thème de campagne.
Enfin, les mesures annoncées par Damas signalent un nouveau refroidissement des relations avec le gouvernement de Bagdad, un mois à peine après la spectaculaire visite à Damas du président irakien Jalal Talabani et l'annonce de la reprise des relations diplomatiques, rompues en 1980. La Syrie avait promis de faire quelque chose pour arrêter le passage par ses frontières de combattants étrangers à destination de l'Irak. Mais dernièrement, le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a accusé Damas de n'avoir pas tenu ses promesses. « Le rapprochement est bloqué, estime Ayman Abd el-Nour. L'ambassadeur syrien, Abd el-Fattah Amoura, attend toujours de se rendre à Bagdad. » Ces atermoiements témoignent du jeu syrien. Damas, toujours marginalisé par Washington, semble chercher à démontrer son pouvoir de nuisance. Les réfugiés, si la menace se précisait, fourniraient une arme de plus dans l'arsenal des pressions exercées par la Syrie pour obliger la communauté internationale, et en premier lieu les États-Unis, à reprendre le dialogue, en vue d'un règlement global du problème des frontières dans la région. Un exode des réfugiés irakiens embarrasserait Washington, accusé par l'ONG Human Rights Watch de n'accueillir qu'au compte-gouttes les réfugiés d'une guerre déclenchée par les États-Unis.
La nouvelle attitude de Damas, si elle se confirme, serait d'autant plus inquiétante que la Syrie est pratiquement le seul pays à accueillir les Irakiens fuyant la guerre civile. « Au début, expliquait en décembre Laurens Jolles, le représentant local du HCR, c'étaient les ex-dignitaires baasistes du régime de Saddam Hussein qui débarquaient. Maintenant, avec l'aggravation de la violence, toutes les confessions et tous les secteurs de la société se présentent à la frontière. »
Jusqu'ici, la Syrie leur ouvrait les bras sans compter, comme elle continue à le faire pour les ressortissants des autres pays arabes, autorisés à entrer sans visa. En ce qui concerne les Irakiens, la fidélité à l'idéologie panarabe du parti Baas s'accompagnait d'un calcul politique, le régime pouvant opposer sa générosité à l'égoïsme des autres « frères arabes ».
Damas aurait décidé de mettre fin à cette exception. Les Irakiens se verraient désormais délivrer un visa de quinze jours seulement, au terme duquel ils devraient se présenter aux services d'immigration pour obtenir une prolongation de séjour, « en donnant des raisons précises », selon Ibrahim Darraji, universitaire proche du régime. « Les autorités se sont mises également à vérifier les permis de séjour des Irakiens qui vivent en Syrie et à expulser ceux qui commettaient des infractions ou des crimes », ajoute Darraji dans une tribune donnée au nouveau quotidien privé Al-Watan.
Des réfugiés irakiens ont manifesté devant les bureaux du HCR à Damas aux cris de « non à la déportation », ou encore « le retour signifie la mort ». La présence d'un million d'Irakiens au milieu de 18 millions de Syriens ne peut passer inaperçue. Certains faubourgs comme celui de Jarramana sont devenus de petits Bagdad. Des comédiens exilés jouent à guichets fermés des pièces satiriques sur la situation irakienne dans deux théâtres de la capitale. Mais le gouvernement estime que l'hospitalité syrienne a atteint ses limites. « La colère monte, dit Ayman Abd el-Nour, membre réformateur du parti Baas. Les Irakiens ne respectent pas nos traditions de politesse, ils sont durs et brutaux. Les Syriens n'osent plus sortir dans les parcs publics. Les jeunes Irakiens importunent les femmes. Moi-même je n'y vais plus depuis que ma femme a été blessée par un pétard. » Les réfugiés n'ayant pas de papiers, « on ne peut en général pas les poursuivre ».
Les réfugiés sont également accusés de favoriser la montée des prix des denrées alimentaires et de l'immobilier. Le prix des appartements à vendre a doublé en peu de temps. Les Irakiens, sans papiers, travaillent au noir, autre facteur de déstabilisation dans un pays qui connaît un chômage élevé. Les réfugiés sont également accusés de se livrer à la mendicité et à la prostitution. La proximité des élections parlementaires, même si elles restent symboliques, pourrait avoir joué, estime Ayman Abd el-Nour. Le régime ne souhaiterait pas voir le ressentiment contre les réfugiés devenir un thème de campagne.
Enfin, les mesures annoncées par Damas signalent un nouveau refroidissement des relations avec le gouvernement de Bagdad, un mois à peine après la spectaculaire visite à Damas du président irakien Jalal Talabani et l'annonce de la reprise des relations diplomatiques, rompues en 1980. La Syrie avait promis de faire quelque chose pour arrêter le passage par ses frontières de combattants étrangers à destination de l'Irak. Mais dernièrement, le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a accusé Damas de n'avoir pas tenu ses promesses. « Le rapprochement est bloqué, estime Ayman Abd el-Nour. L'ambassadeur syrien, Abd el-Fattah Amoura, attend toujours de se rendre à Bagdad. » Ces atermoiements témoignent du jeu syrien. Damas, toujours marginalisé par Washington, semble chercher à démontrer son pouvoir de nuisance. Les réfugiés, si la menace se précisait, fourniraient une arme de plus dans l'arsenal des pressions exercées par la Syrie pour obliger la communauté internationale, et en premier lieu les États-Unis, à reprendre le dialogue, en vue d'un règlement global du problème des frontières dans la région. Un exode des réfugiés irakiens embarrasserait Washington, accusé par l'ONG Human Rights Watch de n'accueillir qu'au compte-gouttes les réfugiés d'une guerre déclenchée par les États-Unis.